Page:Anatole France - L’Étui de nacre.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
l’étui de nacre

d’une disgrâce imméritée. Dévorant mes larmes, nourri de fiel, je me retirai dans mes terres de Sicile, où je serais mort de douleur si ma douce Pontia n’était venue consoler son père. J’ai cultivé le blé et fait croître les plus gras épis de toute la province. Aujourd’hui ma vie est faite. L’avenir jugera entre Vitellius et moi.

— Pontius, répondit Lamia, je suis persuadé que tu as agi envers les Samaritains selon la droiture de ton esprit et dans le seul intérêt de Rome. Mais n’as-tu pas trop obéi dans cette occasion à ce courage impétueux qui t’entraînait toujours ? Tu sais qu’en Judée, alors que, plus jeune que toi, je devais être plus ardent, il m’arriva souvent de te conseiller la clémence et la douceur.

— La douceur envers les Juifs ! s’écria Pontius Pilatus. Bien qu’ayant vécu chez eux, tu connais mal ces ennemis du genre humain. Tout ensemble fiers et vils, unissant une lâcheté ignominieuse à une obstination invincible, ils lassent également l’amour et la haine. Mon esprit s’est formé, Lamia, sur les maximes du divin Auguste. Déjà, quand je