Page:Anatole France - L’Étui de nacre.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
252
l’étui de nacre
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

nière lettre, écrite il y a trois ans à bord du navire sur lequel il périt quelques jours après, il me recommandait encore les préceptes de Rousseau sur l’éducation. Je suis pénétrée de l’esprit nouveau. Je crois qu’il faut combattre pour la justice et pour la liberté.

— Comme vous, madame, soupira Germain, j’ai horreur du fanatisme et de la tyrannie ; j’aime comme vous la liberté, mais mon âme est sans force. Ma pensée s’échappe à chaque instant de moi-même. Je ne m’appartiens pas, et je souffre.

La jeune femme ne répondit pas. Un vieillard poussa la grille et s’avança les bras levés, en agitant son chapeau. Il ne portait ni poudre ni perruque. Des cheveux gris et longs tombaient des deux côtés de son crâne chauve. Il était entièrement vêtu de ratine grise ; ses bas étaient bleus, ses souliers sans boucles.

— Victoire ! victoire ! s’écriait-il. Le monstre est dans nos mains et je vous en apporte la nouvelle, Sophie !

— Mon voisin, je viens de l’entendre de M. Marcel Germain que je vous présente. Sa mère était à Angers l’amie de ma mère. De-