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l’aube

comme s’ils voyaient Paris pour la première fois. Puis ils parlèrent des événements du jour, de l’Assemblée, du vote par tête, de la réunion des Ordres et de l’exil de M. Necker. Ils étaient tous quatre d’accord que la liberté était à jamais conquise. M. Duvernay voyait s’élever un ordre nouveau et vantait la sagesse des législateurs élus par le peuple. Mais sa pensée restait calme, et parfois il semblait qu’une inquiétude se mêlât à ses espérances. Nicolas Franchot ne gardait point cette mesure. Il annonçait le triomphe pacifique du peuple et l’ère de la fraternité. En vain le savant, en vain la jeune femme lui disaient :

— La lutte commence seulement et nous n’en sommes qu’à notre première victoire.

— La philosophie nous gouverne, leur répondait-il. Quels bienfaits la raison ne répandra-t-elle pas sur les hommes soumis à son tout-puissant empire ? L’âge d’or imaginé par les poètes deviendra une réalité. Tous les maux disparaîtront avec le fanatisme et la tyrannie qui les ont enfantés. L’homme vertueux et éclairé jouira de toutes les félicités. Que dis-je ! Avec l’aide des physiciens et des chi-