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madame de luzy

pas faite pour marmotter jour et nuit des Pater. Ce serait dommage. Mais la République avant tout. Nous cherchons le traître Planchonnet. Il est ici, j’en suis sûr. Il me le faut. Je le ferai guillotiner. Ce sera ma fortune.

— Cherchez-le donc !

Ils regardèrent sous les meubles, dans les armoires, passèrent des piques sous le lit et sondèrent les matelas avec des baïonnettes.

Lubin, se grattant l’oreille, me regardait du coin de l’œil. Madame de Luzy, craignant pour moi un interrogatoire embarrassant :

— Mon ami, me dit-elle, tu connais aussi bien que moi la maison ; prends les clefs et conduis partout M. Lubin. Je sais que ce sera un plaisir pour toi que de guider des patriotes.

Je les conduisis à la cave, où ils culbutèrent les margotins et burent un assez grand nombre de bouteilles. Après quoi, Lubin défonça, à coups de crosse, les tonneaux pleins et, sortant de la cave inondée de vin, donna le signal du départ. Je les reconduisis jusqu’à la grille, que je refermai sur leurs talons, et je courus annoncer à madame de Luzy que nous étions sauvés.