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l’étui de nacre

ans, je les voyais dans les clairières, dansant des rondes, en chapeau de fleurs, sous un rayon de lune. Seigneur Dieu, vous qui fîtes le ciel et la rosée, soyez loué dans vos œuvres ! Mais pourquoi avez-vous fait des arbres païens et des fontaines féeriques ? Pourquoi avez-vous mis sous le coudrier la mandragore qui chante ? Ces choses naturelles induisent la jeunesse au péché et causent des fatigues sans nombre aux anachorètes qui, comme moi, ont entrepris de sanctifier les créatures. Si encore l’Évangile de saint Jean suffisait à chasser les démons ! Mais il n’y suffit pas, et je ne sais plus que faire.

Et, comme le bon ermite s’éloignait en soupirant, l’arbre, qui était fée, lui dit dans un frais bruissement :

— Célestin, Célestin, mes bourgeons sont des œufs, de vrais œufs de Pâques ! Alleluia ! alleluia !

Célestin s’enfonça dans le bois, sans tourner la tête. Il s’avançait avec peine, par un étroit sentier, au milieu des épines qui déchiraient sa robe, quand, soudain, bondissant d’un fourré, un jeune garçon lui barra le passage.