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scolastica

mes douces nourrices eussent été déposés sur mon cercueil ! Quand tu tends les bras vers moi, je songe aux mains qui furent percées de clous pour le salut du monde.

Et, comme elle achevait ces paroles, elle pleura amèrement.

Le jeune homme lui répondit avec douceur :

— Scolastica, nos parents, qui sont nobles et riches parmi les Arvernes, n’avaient les tiens qu’une fille et les miens qu’un fils. Ils ont voulu nous unir pour perpétuer leur famille, de peur qu’après leur mort un étranger ne vînt à hériter de leurs biens.

Mais Scolastica lui dit :

— Le monde n’est rien ; les richesses ne sont rien ; et cette vie même n’est rien. Est-ce vivre que d’attendre la mort ? Seuls ceux-là vivent qui, dans la béatitude éternelle, boivent la lumière et goûtent la joie angélique de posséder Dieu.

En ce moment, touché par la grâce, Injuriosus s’écria :

— Ô douces et claires paroles ! la lumière de la vie éternelle brille à mes yeux ! Scolastica, si tu veux tenir ce que tu as promis, je resterai chaste auprès de toi.