Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/134

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Il était chrétien, aimait les lettres et favorisait les hommes voués à la vie monastique. Dans la salle de son palais où, sous les solives enfumées, pendaient les têtes, les ramures et les cornes des bêtes sauvages, il donnait des festins auxquels étaient conviés tous les joueurs de harpe d’Alca et des îles voisines, et il y chantait lui-même les louanges des héros. Équitable et magnanime, mais enflammé d’un ardent amour de la gloire, il ne pouvait s’empêcher de mettre à mort ceux qui avaient mieux chanté que lui.

Les moines d’Yvern ayant été chassés par les païens qui ravageaient la Bretagne, le roi Brian les appela dans son royaume et fit construire pour eux, près de son palais, un moustier de bois. Chaque jour, il se rendait avec la reine Glamorgane, son épouse, dans la chapelle du moustier, assistait aux cérémonies religieuses et chantait des hymnes.

Or, parmi ces moines, se trouvait un religieux, nommé Oddoul, qui, dans la fleur de sa jeunesse, s’ornait de science et de vertus. Le Diable en conçut un grand dépit et essaya plusieurs fois de l’induire en tentation. Il prit diverses formes et lui montra tour à tour un cheval de guerre, une jeune vierge, une coupe d’hydromel ; puis il lui fit sonner deux dés dans un cornet et lui dit :

— Veux-tu jouer avec moi les royaumes de ce monde contre un des cheveux de ta tête ?