Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/187

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croyable, mais l’histoire d’Orberose, telle qu’on l’a contée depuis, ne semble pas beaucoup plus digne de foi.

» La vie de cette sainte par l’abbé Simplicissimus est de trois cents ans postérieure aux prétendus événements qu’elle rapporte ; l’auteur s’y montre crédule à l’excès et dénué de toute critique. »

Le soupçon s’attaqua même aux origines surnaturelles des Pingouins. L’historien Ovidius Capito alla jusqu’à nier le miracle de leur transformation. Il commence ainsi ses Annales de la Pingouinie :

« Une épaisse obscurité enveloppe cette histoire et il n’est pas exagéré de dire qu’elle est tissue de fables puériles et de contes populaires. Les Pingouins se prétendent sortis des oiseaux baptisés par saint Maël et que Dieu changea en hommes par l’intercession de ce glorieux apôtre. Ils enseignent que, située d’abord dans l’océan glacial, leur île, flottante comme Délos, était venue mouiller dans les mers aimées du ciel dont elle est aujourd’hui la reine. Je conjecture que ce mythe rappelle les antiques migrations des Pingouins ».

Au siècle suivant, qui fut celui des philosophes, le scepticisme devint plus aigu : je n’en veux pour preuve que ce passage célèbre de l’Essai moral :

« Venus on ne sait d’où (car enfin leurs