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Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/230

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le révérend père Cornemuse, qui la lui remit en soupirant. Et, de cet argent, il paya six cents garçons bouchers d’Alca pour courir derrière le cheval de Chatillon en criant : « Vive l’émiral ! »

Chatillon ne pouvait désormais faire un pas sans être acclamé.

La vicomtesse Olive lui demanda un entretien secret. Il la reçut à l’Amirauté[1] dans un pavillon orné d’ancres, de foudres et de grenades.

Elle était discrètement vêtue de gris bleu. Un chapeau de roses couronnait sa jolie tête blonde. À travers la voilette ses yeux brillaient comme des saphirs. Il n’y avait pas, dans la noblesse, de femme plus élégante que celle-ci, qui tirait son origine de la finance juive. Elle était longue et bien faite ; sa forme était celle de l’année, sa taille, celle de la saison.

— Émiral, dit-elle d’une voix délicieuse, je ne puis vous cacher mon émotion… Elle est bien naturelle… Devant un héros…

— Vous êtes trop bonne. Veuillez me dire, madame la vicomtesse, ce qui me vaut l’honneur de votre visite.

— Il y avait longtemps que je désirais vous voir, vous parler… Aussi me suis-je chargée bien volontiers d’une mission pour vous.

— Donnez-vous donc la peine de vous asseoir.

  1. Ou mieux Émirauté.