Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/51

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s’il en était autrement on ne l’administrerait point aux nouveau-nés. Et il n’est besoin, pour baptiser, de remplir aucune condition particulière ; il n’est pas nécessaire d’être en état de grâce ; il suffit d’avoir l’intention de faire ce que fait l’Église, de prononcer les paroles consacrées et d’observer les formes prescrites. Or, nous ne pouvons douter que le vénérable Maël n’ait opéré dans ces conditions. Donc les pingouins sont baptisés.

— Y pensez-vous ? demanda saint Guénolé. Et que croyez-vous donc que soit le baptême ? Le baptême est le procédé de la régénération par lequel l’homme naît d’eau et d’esprit, car entré dans l’eau couvert de crimes, il en sort néophyte, créature nouvelle, abondante en fruits de justice ; le baptême est le germe de l’immortalité ; le baptême est le gage de la résurrection ; le baptême est l’ensevelissement avec le Christ en sa mort et la communion à la sortie du sépulcre. Ce n’est pas un don à faire à des oiseaux. Raisonnons, mes pères. Le baptême efface le péché originel ; or les pingouins n’ont pas été conçus dans le péché ; il remet toutes les peines du péché ; or les pingouins n’ont pas péché ; il produit la grâce et le don des vertus, unissant les chrétiens à Jésus-Christ, comme les membres au chef, et il tombe sous le sens que les pingouins ne sauraient acquérir les vertus des confesseurs, des