Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/92

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d’après ce qu’ils consomment. Ce sera la sagesse et ce sera la justice.

Ainsi parla Morio, aux applaudissements des Anciens.

— Je demande qu’on grave ce discours sur des tables d’airain, s’écria le moine Bulloch. Il est dicté pour l’avenir ; dans quinze cents ans, les meilleurs entre les Pingouins ne parleront pas autrement.

Les Anciens applaudissaient encore, lorsque Greatauk, la main sur le pommeau de l’épée, fit cette brève déclaration :

— Étant noble, je ne contribuerai pas ; car contribuer est ignoble. C’est à la canaille à payer.

Sur cet avis, les Anciens se séparèrent en silence.

Ainsi qu’à Rome, il fut procédé au cens tous les cinq ans ; et l’on s’aperçut, par ce moyen, que la population s’accroissait rapidement. Bien que les enfants y mourussent en merveilleuse abondance et que les famines et les pestes vinssent avec une parfaite régularité dépeupler des villages entiers, de nouveaux Pingouins, toujours plus nombreux, contribuaient par leur misère privée à la prospérité publique.