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lui, comme pour M. Bergeret, une muse divine.

Et M. Bergeret, passant la main sur le poil court et lisse de son compagnon, dit ces paroles affectueuses :

— Chien, au prix de ton repos, qui doit t’être cher, tu es venu à moi quand j’étais terrassé et consterné. Tu n’as pas ri, comme aurait fait à ta place tout jeune individu de mon espèce. Il est vrai que tu n’as pas le sentiment du ridicule et que, si pour toi la nature a des aspects joyeux et des aspects terribles, elle n’en a point de comiques. Mais par cela même, par ta gravité naïve, tu fais le compagnon le plus sûr que l’on puisse avoir. Je t’ai d’abord inspiré de la confiance et de l’admiration et voici que je t’inspire de la pitié.

» Chien, quand nous nous sommes rencontrés dans la vie, nous venions de deux points de la nature éloignés l’un de l’autre, bien éloignés. Nous appartenons à deux