Page:Anatole France - L’Anneau d’améthyste.djvu/362

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La jolie provinciale, madame de Gromance, était venue la première, dans les derniers jours de décembre. Elle lui avait dit sans détours qu’il fallait nommer M. l’abbé Guitrel évêque de Tourcoing. Le vieux ministre, qui aimait encore l’odeur de la femme, avait gardé longtemps entre ses deux mains la petite main de madame de Gromance et caressé du doigt, entre le gant et la manche, l’endroit du poignet où la peau est plus douce sur le réseau bleu des veines. Mais il n’avait point entrepris davantage, parce qu’avec l’âge tout lui devenait difficile, et aussi de peur de paraître ridicule, car il avait de l’amour-propre. Du moins, il demeurait érotique en paroles. Il avait demandé, selon sa coutume, à madame de Gromance des nouvelles du « vieux chouan ». C’est ainsi qu’il nommait familièrement M. de Gromance. Ses yeux en avaient larmoyé en riant par tous leurs petits plis, sous les verres bleuâtres de ses lunettes.