Page:Anatole France - L’Anneau d’améthyste.djvu/400

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Torquet, qui lui avait annoncé sa nomination dans les termes les plus corrects, M. Bergeret, se trouvant dans la rue, vit les toits d’ardoise, les murs de pierre tendre qu’il avait vus tant de fois, le plat à barbe qui se balançait sur la porte du barbier, la vache rousse qui servait d’enseigne au laitier, le petit triton de bronze qui crachait de l’eau au coin du faubourg de Josde ; et ces choses familières tout à coup lui semblaient étranges. Ces pavés sur lesquels il avait tant de fois et depuis si longtemps porté ses pas appesantis par la tristesse ou la fatigue, allégés par un peu de joie ou d’amusement, ses pieds en étaient subitement déshabitués. La ville, qu’il voyait élevant ses dômes et ses clochers dans le ciel gris, lui paraissait une ville étrangère, déjà lointaine, à peine réelle, moins une ville que l’image d’une ville. Et cette image se faisait petite. Les gens comme les choses apparaissaient éloignés et diminués à ses yeux. Le facteur,