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n’existait que par moi. Que je parte : elle s’évanouit. Je ne me savais pas un esprit subjectif jusqu’à la démence. On ne se connaît pas et l’on est un monstre sans le savoir. »

Ainsi M. Bergeret s’examinait avec une sincérité exemplaire. Mais, venant à passer devant Saint-Exupère, il s’arrêta sous le portail du Jugement dernier. Il n’avait jamais cessé d’aimer ces vieilles sculptures narratives, de s’amuser à ces histoires taillées dans la pierre. Certain diable, qui avait une tête de chien sur les épaules et un visage d’homme sur les fesses, l’amusait particulièrement. Ce diable traînait une file de damnés enchaînés, et ses deux visages exprimaient un vrai contentement. Il y avait aussi un petit moine qu’un ange saisissait par les mains pour le hisser au ciel et qu’un diable tirait par les pieds. Cela plaisait beaucoup à M. Bergeret. Mais jamais il n’avait regardé avec tant d’intérêt ces images qu’il était près de quitter.