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murmurant seul dans son cabinet ces paroles amères :

« S’ils croyaient faire de la politique en chambardant mes bonnes loges et en attachant mes palmes, si utiles, à la queue de tous les chiens coiffés du département, ils en avaient une couche, ceux-là ! »

Aussi avait-il appris sans déplaisir la chute du ministère.

Au reste, ces changements prévus ne le surprenaient jamais. Sa politique administrative était toute fondée sur cette considération que les ministres passent. Il s’étudiait à ne jamais servir un ministre de l’Intérieur avec un zèle ardent. Il se défendait de plaire excessivement à aucun, et évitait toutes les occasions de trop bien faire. Cette modération, gardée pendant la durée d’un ministère, lui assurait la sympathie du suivant, prévenu de la sorte assez favorablement pour agréer ensuite le zèle médiocre, qui devenait un titre à la faveur d’un troisième cabinet.