Page:Anatole France - L’Orme du mail.djvu/233

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d’autres furent impitoyables par amour-propre ! Tant d’autres assurèrent par des cruautés leurs droits, leur grandeur et leur prospérité ! Tant d’autres versèrent le sang pour leur prérogative et leur majesté ! Elle n’a point d’amour-propre ; elle n’a point de majesté. Heureux défaut qui nous la garde innocente ! Pourvu qu’elle vive, elle est contente. Elle gouverne peu. Je serais tenté de l’en louer plus que de tout le reste. Et, puisqu’elle gouverne peu, je lui pardonne de gouverner mal. Je soupçonne les hommes d’avoir, de tout temps, beaucoup exagéré les nécessités du gouvernement et les bienfaits d’un pouvoir fort. Assurément les pouvoirs forts font les peuples grands et prospères. Mais les peuples ont tant souffert, au long des siècles, de leur grandeur et de leur prospérité, que je conçois qu’ils y renoncent. La gloire leur a coûté trop cher pour qu’on ne sache pas gré à nos maîtres actuels de ne nous en procurer que de la