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— Voilà seulement dix ans, répliqua M. Mazure, je me serais fait casser la tête pour la République. Aujourd’hui, je la verrais faire la culbute, que je rirais en me croisant les bras. Les vieux républicains sont méprisés. On n’accorde de faveur qu’aux ralliés. Je ne dis pas cela pour vous, monsieur de Terremondre. Mais je suis dégoûté. J’en arrive à penser comme M. Bergeret. Tous les gouvernements sont ingrats.

— Ils sont tous impuissants, dit M. Bergeret, et j’ai là dans ma poche un petit récit que je voudrais bien vous lire. Je l’ai composé sur une anecdote que mon père m’a plusieurs fois contée. On y voit que le pouvoir absolu est l’impuissance même. Je voudrais avoir votre avis sur cette bagatelle. Si elle ne vous déplaît pas, je l’enverrai à la Revue de Paris.

M. de Terremondre et M. Mazure rapprochèrent leur chaise de celle de M. Bergeret qui tira de sa poche un cahier de papier et se mit à lire d’une voix faible mais claire :