Page:Anatole France - L’Orme du mail.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grand jeune homme long, courbé, à lunettes, le crâne pointu, dont tout l’être disgracieux exprimait à la fois la timidité des solitaires et l’audace des penseurs.

Le garde des Sceaux l’examina de la tête aux pieds et vit qu’il avait des joues d’enfant et pas d’épaules. Il lui fit signe de s’asseoir. Le solliciteur, s°étant mis au bord du fauteuil, ferma les yeux et commença à parler avec abondance.

— Monsieur le Ministre, je viens solliciter de votre haute bienveillance l’accès de la magistrature. Peut-être Votre Excellence jugera-t-elle que les notes que j’ai obtenues aux divers examens que j’ai subis, et un prix qui m’a été décerné pour un travail sur les Trade’s unions sont des titres suffisants, et que le neveu de madame Ramel, sœur de lait de l’Empereur, n’est pas tout à fait indigne…

Le garde des Sceaux l’arrêta d’un geste de sa petite main jaune.

— Sans doute, monsieur Chanot, sans