Page:Anatole France - L’Orme du mail.djvu/269

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Quand ils se retrouvèrent tous deux sur le trottoir humide de l’étroite rue Contrescarpe, ils rencontrèrent des filles qui allaient et venaient du carrefour Buci aux débits de liqueurs de la rue Dauphine. Comme l’une d’elles, épaisse et lourde, dans sa triste robe noire, passait morne, les jambes molles, sous un réverbère, Lespardat la saisit brusquement par la taille, la souleva et lui fit faire deux tours de valse sur le pavé gras et dans le ruisseau, avant qu’elle eût pu se reconnaître.

Remise de son étonnement, elle hurla les plus sales injures à son cavalier qui l’emportait d’un élan irrésistible. Il faisait lui-même l’orchestre, de sa voix de baryton chaude et entraînante comme une musique militaire, et tournoyait avec la fille si furieusement qu’éclaboussés par toute l’eau et la boue de la rue, ils heurtaient ensemble les brancards des fiacres rôdeurs et sentaient à leur cou le souffle des chevaux. Après quel-