Page:Anatole France - L’Orme du mail.djvu/86

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Elle s’excusa sur sa mise négligée. Elle avait tant à faire le matin ! Trois filles, deux fils, un neveu orphelin et son mari, sept enfants à soigner !

— Ah ! madame, lui dit l’abbé, c’est le bon Dieu qui vous envoie ! Vous serez ma providence.

— Votre providence, monsieur l’abbé ?

Dans sa robe de chambre grise, ses formes étalaient l’ample majesté des maternités anciennes. Sur son éclatante face à moustaches reluisait l’orgueil de la matrone : ses larges mouvements exprimaient à la fois l’agilité d’une ménagère rompue au travail et l’aisance d’une femme accoutumée aux hommages officiels. Le général disparaissait derrière elle. C’était sa fortune domestique et son génie tutélaire, cette Pauline qui, de son activité et de son courage, soutenait la lourde maison pauvre et fastueuse, et qui, chez elle, lingère, cuisinière, couturière, chambrière, institutrice, pharmacienne, modiste