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était aumônier de régiment, les jours tragiques de la guerre, quand il accompagnait les blessés étendus sur le brancard d’ambulance et leur donnait une goutte d’eau-de-vie. Car c’est par des distributions de tafia et de caporal qu’il avait coutume d’exercer son apostolat. Il céda encore à l’envie de parler des batailles sous Metz et conta des anecdotes. Il en avait beaucoup qui concernaient un certain sapeur, natif de Lorraine, nommé Larmoise, homme fertile en expédients.

— Je ne vous ai pas dit, mon général, que ce grand diable de sapeur me rapportait chaque matin un sac de pommes de terre. Je lui demande un jour où il les ramassait. Il me répond : « Dans les lignes ennemies. » Je lui dis : « Malheureux ! » Il m’explique alors qu’il a trouvé des pays parmi les grand’gardes allemands. « Des pays ? » — Oui des pays, des hommes de chez nous. Nous ne sommes séparés que par la