Aller au contenu

Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On ne parle que de Rose-Croix.[1] Au reste, je ne me flatte pas de tirer grand honneur de ces révélations. Les uns diront que j’ai tout inventé et que ce n’est pas la vraie doctrine ; les autres que je n’ai dit que ce que tout le monde savait. J’avoue que je ne suis pas très instruit dans la cabbale, mon maître ayant péri au début de mon initiation. Mais le peu que j’ai appris de son art me fait véhémentement soupçonner que tout en est illusion, abus et vanité. Il suffit, d’ailleurs, que la magie soit contraire à la religion pour que je la repousse de toutes mes forces. Néanmoins, je crois devoir m’expliquer sur un point de cette fausse science, pour qu’on ne m’y juge pas plus ignorant encore que je ne le suis. Je sais que les cabbalistes pensent généralement que les Sylphes, les Salamandres, les Elfes, les Gnomes et les Gnomides naissent avec une âme périssable comme leur corps et qu’ils acquièrent l’immortalité par leur commerce avec les mages.[2] Mon cab-

  1. Ceci fut écrit dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. (note de l’éditeur.)
  2. Cette opinion est soutenue notamment dans un petit livre de l’abbé Montfaucon de Villars : Le comte de Gabalis ou Entretiens sur les sciences secrètes et mystérieuses suivant les principes des anciens mages ou sages cabbalistes. Il y en a plusieurs éditions. Je me contenterai de signaler celle d’Amsterdam (chez Jacques Le Jeune, 1700, in-18, figures) qui contient une seconde partie, qui n’est pas dans l’édition originale. (NOTE DE L’ÉDITEUR.)