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naturelle. Il est vif, bien que moins ardent que le goût des Satyres pour les Nymphes, auquel il correspond. Les poètes ont très bien observé cette distinction. A ce propos, je vous conterai une singulière aventure que j’ai lue dans un manuscrit qui faisait partie de la bibliothèque de M. l’évêque de Séez. C’était, (je le vois encore) un recueil in-folio, d’une bonne écriture du siècle dernier. Voici le fait singulier qui y est rapporté. Un gentilhomme normand et sa femme prirent part à un divertissement public, déguisés l’un en Satyre, l’autre en Nymphe. On sait, par Ovide, avec quelle ardeur les Satyres poursuivent les Nymphes. Ce gentilhomme avait lu les Métamorphoses. Il entra si bien dans l’esprit de son déguisement que, neuf mois après, sa femme lui donna un enfant qui avait le front cornu et des pieds de bouc. Nous ne savons ce qu’il advint du père, sinon que, par un sort commun à toute créature, il mourut, laissant avec son petit capripède un autre enfant plus jeune, chrétien celui-là, et de forme humaine. Ce cadet demanda à la justice que son frère fût déchu de l’héritage paternel pour cette raison qu’il n’appartenait pas à l’espèce rachetée par le sang de Jésus-Christ. Le Parlement de Normandie