Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/136

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image me donna le courage et la force que vous me reprochez aujourd’hui, jugez, Catherine, de mes transports, si je vous avais pressée dans mes bras, vous-même ou seulement une fille qui vous ressemblât un peu. Car je vous aimais extrêmement.

Elle me prit les mains et soupira. Je repris d’un ton mélancolique :

— Oui, je vous aimais, Catherine, et je vous aimerais encore, sans ce moine dégoûtant.

Elle se récria :

— Quel soupçon ! vous me fâchez. C’est une folie.

— Vous n’aimez donc point les capucins ?

— Fi !

Ne jugeant point opportun de trop la presser sur ce sujet, je lui pris la taille ; nous nous embrassâmes, nos lèvres se rencontrèrent, et je sentis tout mon être se fondre de volupté.

Après un moment de mol abandon, elle se dégagea, les joues roses, l’œil humide, les lèvres entr’ouvertes. C’est de ce jour que je connus à quel point une femme est embellie et parée du baiser qu’on met sur sa bouche. Le mien avait fait éclore sur les joues de Catherine, des roses de la teinte la plus suave, et trempé la fleur bleue de ses yeux d’une étincelante rosée.