Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/159

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Royal, je me jetai dans la rue du Bac. J’atteignis en une minute celle de Grenelle, où j’entendis des cris mêlés au cliquetis des épées. Le bruit venait de la maison que Catherine m’avait décrite. Là, sur le pavé, s’agitaient des ombres et des lanternes, et il en sortait des voix :

— Au secours, Jésus ! On m’assassine !... Sus au capucin ! Hardi ! piquez-le ! — Jésus, Marie, assistez-moi ! — Voyez le joli greluchon ! Sus ! sus ! Piquez, coquins, piquez ferme !

Les fenêtres s’ouvraient aux maisons d’alentour pour laisser paraître des têtes en bonnets de nuit.

Soudain tout ce mouvement et tout ce bruit passa devant moi comme une chasse en forêt, et je reconnus frère Ange qui détalait d’une telle vitesse que ses sandales lui donnaient la fessée, tandis que trois grands diables de laquais, armés comme des suisses, le serrant de près, lui lardaient le cuir de la pointe de leurs hallebardes. Leur maître, un jeune gentilhomme courtaud et rougeaud, ne cessait de les encourager de la voix et du geste, comme on fait aux chiens.

— Hardi! hardi ! Piquez ! La bête est dure.