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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/164

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livres assemblés dans cette admirable Astaracienne témoignent de l’incertitude des hommes à ce sujet. Si j’y fais réflexion, mon fils, c’est pour loger dans votre esprit cette idée solide et salutaire qu’il n’est point de bonnes mœurs en dehors de la religion et que les maximes des philosophes, qui prétendent instituer une morale naturelle, ne sont que lubies et billevesées. La raison des bonnes mœurs ne se trouve point dans la nature qui est, par elle-même, indifférente, ignorant le mal comme le bien. Elle est dans la Parole divine, qu’il ne faut point transgresser, à moins de s’en repentir ensuite convenablement. Les lois humaines sont fondées sur l’utilité, et ce ne peut être qu’une utilité apparente et illusoire, car on ne sait pas naturellement ce qui est utile aux hommes, ni ce qui leur convient en réalité. Encore y a-t-il dans nos Coutumiers une bonne moitié des articles auxquels le préjugé seul a donné naissance. Soutenues par la menace du châtiment, les lois humaines peuvent être éludées par ruse et dissimulation. Tout homme capable de réflexion est au-dessus d’elles. Ce sont proprement des attrape-nigauds.

» Il n’en est pas de même, mon fils, des lois divines. Celles-là sont imprescriptibles, inéluctables