Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/17

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qu’il en revenait un peu plus tard que de coutume, il disait d’une voix attendrie en mettant son bonnet de coton :

— Barbe, dormez en paix. Je le disais tantôt encore au coutelier boiteux : Vous êtes une sainte et digne femme.

J’avais six ans, quand, un jour, rajustant son tablier, ce qui était en lui signe de résolution, il me parla de la sorte :

— Miraut, notre bon chien, a tourné ma broche pendant quatorze ans. Je n’ai pas de reproche à lui faire. C’est un bon serviteur qui ne m’a jamais volé le moindre morceau de dinde ni d’oie. Il se contentait pour prix de sa peine de lécher la rôtissoire. Mais il se fait vieux. Sa patte devient raide, il n’y voit goutte et ne vaut plus rien pour tourner la manivelle. Jacquot, c’est à toi, mon fils, de prendre sa place. Avec de la réflexion et quelque usage, tu y réussiras sans faute aussi bien que lui.

Miraut écoutait ces paroles et secouait la queue en signe d’approbation. Mon père poursuivit :

— Donc, assis sur cet escabeau, tu tourneras la broche. Cependant, afin de te former l’esprit, tu repasseras ta Croix de Dieu, et quand, par la suite, tu sauras lire toutes les lettres