Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/178

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— Restez, m’écriai-je, en poussant le verrou.

Elle me demanda :

— Savez-vous s’il reviendra bientôt ?

— Non ! madame, il ne reviendra point de longtemps. Il m’a laissé seul avec les Salamandres. Je n’en veux qu’une, et c’est vous.

Je la pris dans mes bras, je la portai sur le sopha, j’y tombai avec elle, je la couvris de baisers. Je ne me connaissais plus. Elle criait, je ne l’entendais point. Ses paumes ouvertes me repoussaient, ses ongles me griffaient, et ces vaines défenses irritaient mes désirs. Je la pressais, je l’enveloppais, renversée et défaite. Son corps amolli céda, elle ferma les yeux ; je sentis bientôt, dans mon triomphe, ses beaux bras réconciliés me serrer contre elle.

Puis déliés, hélas ! de cette étreinte délicieuse, nous nous regardâmes tous deux avec surprise. Occupée à renaître avec décence, elle arrangeait ses jupes et se taisait.

— Je vous aime, lui dis-je. Comment vous appelez-vous ?

Je ne pensais pas qu’elle fût une Salamandre et, à vrai dire, je ne l’avais pas cru véritablement.

— Je me nomme Jahel, me dit-elle.

— Quoi ! vous êtes la nièce de Mosaïde?