Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/198

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et je vois qu’il faudra que je remédie par industrie et ruse à ce grand mal. Il est beau de supporter la pauvreté d’une âme égale, comme Épictète, qui y acquit une gloire impérissable. Mais c’est un exercice dont je suis las, et qui m’est devenu fastidieux par l’accoutumance. Je sens qu’il est temps que je change de vertu et que je m’instruise à posséder des richesses sans qu’elles me possèdent, ce qui est l’état le plus noble où se puisse hausser l’âme d’un philosophe. Je veux bientôt faire quelque gain, afin de montrer que ma sagesse ne se dément pas même dans la prospérité. J’en cherche les moyens, et tu m’y vois songer, Tournebroche.

Tandis que mon bon maître parlait de la sorte avec une noble élégance, nous approchions du joli hôtel où M. de la Guéritaude avait logé mam’selle Catherine. « Vous le reconnaîtrez, m’avait-elle dit, aux rosiers du balcon. » Il ne faisait pas assez jour pour que je visse les roses, mais je croyais les sentir. Après avoir fait quelques pas, je la reconnus à la fenêtre, un pot à eau à la main, arrosant ses fleurs. En me reconnaissant de même dans la rue, elle rit et m’envoya un baiser. Sur quoi, une main, passant par la croisée, lui