Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/201

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Est-elle donc si coupable d’avoir envoyé un baiser à mon jeune disciple, qui fut son voisin et son compagnon au temps de leur médiocrité commune, alors que les charmes de cette jolie fille n’étaient encore célèbres que sous la treille du Petit Bacchus. Il n’y a rien là que d’innocent, si tant est qu’une action humaine et particulièrement l’action d’une femme puisse être jamais innocente et tout à fait nette de la tache originelle. Souffrez encore, monsieur, que je vous dise que la jalousie est un sentiment gothique, un triste reste des mœurs barbares qui ne doit point subsister dans une âme élégante et bien née.

— Monsieur l’abbé, répondit M. d’Anquetil, sur quoi jugez-vous que je suis jaloux ? Je ne le suis pas. Mais je ne souffre pas qu’une femme se moque de moi.

— Nous sommes le jouet des vents, dit mon bon maître avec un soupir. Tout se rit de nous, le ciel, les astres, la pluie, les zéphires, l’ombre, la lumière et la femme. Souffrez, monsieur, que Catherine soupe avec nous. Elle est jolie, elle égayera votre table. Tout ce qu’elle a pu faire, ce baiser et le reste, ne la rend pas moins agréable à voir. Les infidélités des femmes ne gâtent point leur visage : La nature,