Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tende nul effet, ne croyant point à vos Sylphes. Instruisez-moi donc, s’il vous plaît.

— Vous l’exigez ? reprit le cabbaliste. Sachez donc que quand vous voudrez être assisté d’un Sylphe, vous n’aurez qu’à prononcer ce seul mot Agla. Aussitôt les fils de l’air voleront vers vous ; mais vous entendez bien, monsieur l’abbé, que ce mot doit être récité du cœur aussi bien que des lèvres et que la foi lui donne toute sa vertu. Sans elle, il n’est qu’un vain murmure. Et tel que je viens de le prononcer, sans y mettre d’âme ni de désir, il n’a, même dans ma bouche, qu’une faible puissance, et c’est tout au plus si quelques enfants du jour, en l’entendant, viennent de glisser dans cette chambre leur légère ombre de lumière. Je les ai plutôt devinés que vus sur ce rideau, et ils se sont évanouis à peine formés. Vous n’avez, ni votre élève ni vous, soupçonné leur présence. Mais si j’avais prononcé ce mot magique avec un véritable sentiment, vous les eussiez vus paraître dans tout leur éclat. Ils sont d’une beauté charmante. Je vous ai appris là, monsieur l’abbé, un grand et utile secret. Encore une fois, ne le divulguez pas imprudemment. Et ne méprisez pas l’exemple de l’abbé de Villars qui, pour avoir