Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/307

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fus de la rencontre. Je conclus mon affaire en peu de temps et, retrouvant mon bon maître au seuil de la porte, je lui représentai le tort qu’il risquait de faire à ses compagnons et à lui-même en dérobant des pierres qui, pour son malheur, eussent pu être véritables.

— Mon fils, me répondit-il, Dieu, pour me conserver innocent, a voulu qu’elles ne fussent qu’apparence et faux-semblant. Je vous avoue que j’eus tort de les dérober. Vous m’en voyez au regret, et c’est une page que je voudrais arracher au livre de ma vie, dont quelques feuillets, pour tout dire, ne sont point aussi nets et immaculés qu’il conviendrait. Je sens vivement ce que ma conduite offre, à cet endroit, de répréhensible. Mais l’homme ne doit pas trop s’abattre quand il tombe en quelque faute ; et c’est ici le moment de me dire à moi-même avec un illustre docteur : « Considérez votre grande fragilité, dont vous ne faites que trop souvent l’épreuve dans les moindres rencontres ; et néanmoins c’est pour votre salut que ces choses ou autres semblables vous arrivent. Tout n’est pas perdu pour vous, si vous vous trouvez souvent affligé et tenté rudement, et si même vous succombez à la tentation. Vous êtes homme et non pas Dieu ; vous êtes