Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/310

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une vive tendresse pour mon bon maître, qui la méritait par son humeur égale et riante et par l’incomparable élégance de son esprit. Ils jouaient et buvaient ensemble avee une sympathie qui croissait chaque jour. Les genoux rapprochés pour soutenir la tablette sur laquelle ils abattaient leurs cartes, ils riaient, plaisantaient, se faisaient des agaceries, et, bien qu’il leur arrivât quelquefois de se jeter les cartes à la tête, en échangeant des injures qui eussent fait rougir les forts du port Saint-Nicolas et les bateliers du Mail, bien que M. d’Anquetil jurât Dieu, la Vierge et les Saints, qu’il n’avait vu de sa vie, même au bout d’une corde, plus vilain larron que l’abbé Coignard, on sentait qu’il aimait chèrement mon bon maître, et c’était plaisir de l’entendre un moment après s’écrier en riant :

— L’abbé, vous serez mon aumônier et vous ferez mon piquet. Il faudra aussi que vous soyez de nos chasses. On cherchera jusqu’au fond du Perche un cheval assez gros pour vous porter et l’on vous fera un équipement de vénerie pareil à celui que j’ai vu à l’évêque d’Uzès. Il est grand temps, au reste, de vous habiller à neuf : car, sans reproche, l’abbé, votre culotte ne vous tient plus au derrière.