Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/35

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-folio, qu’il plaça dans sa galerie, reliés en maroquin rouge, à ses armes, et dorés sur tranches. J’ose dire que c’est un bon ouvrage.

» Il n’aurait tenu qu’à moi de vieillir dans l’étude et la paix auprès de monseigneur. Mais j’aimais la chambrière de madame la baillive. Ne m’en blâmez pas avec trop de sévérité. Brune, grasse, vive, fraîche, saint Pacôme lui-même l’eût aimée. Un jour, elle prit le coche pour aller chercher fortune à Paris. Je l’y suivis. Mais je n’y fis point mes affaires aussi bien qu’elle fit les siennes. J’entrai, sur sa recommandation, au service de madame de Saint-Ernest, danseuse de l’Opéra, qui, connaissant mes talents, me chargea d’écrire, sous sa dictée, un libelle contre mademoiselle Davilliers, de qui elle avait à se plaindre. Je fus un assez bon secrétaire, et méritai bien les cinquante écus qui m’avaient été promis. Le livre fut imprimé à Amsterdam, chez Marc-Michel Rey, avec un frontispice allégorique, et mademoiselle Davilliers reçut le premier exemplaire au moment où elle entrait en scène pour chanter le grand air d’Armide. La colère rendit sa voix rauque et tremblante. Elle chanta faux et fut sifflée. Son rôle fini, elle courut avec sa poudre et ses paniers chez l’intendant des menus,