Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/72

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porte verte dont le marteau représentait une figure horrible, un doigt sur la bouche. Nous la reconnûmes facilement pour celle que le philosophe nous avait décrite et nous soulevâmes le marteau.

Après un assez long temps, un vieux valet vint nous ouvrir, et nous fit signe de le suivre à travers un parc abandonné. Des statues de Nymphes, qui avaient vu la jeunesse du feu roi, cachaient sous le lierre leur tristesse et leurs blessures. Au bout de l’allée, dont les fondrières étaient recouvertes de neige, s’élevait un château de pierre et de brique, aussi morose que celui de Madrid, son voisin, et qui, coiffé tout de travers d’un haut toit d’ardoises, semblait le château de la Belle au Bois dormant.

Tandis que nous suivions les pas du valet silencieux, l’abbé me dit à l’oreille :

— Je vous confesse, mon fils, que le logis ne rit point aux yeux. Il témoigne de la rudesse dans laquelle les mœurs des Français étaient encore endurcies au temps du roi Henri IV, et il porte l’âme à la tristesse et même à la mélancolie, par l’état d’abandon où il a été laissé malheureusement. Qu’il nous serait plus doux de gravir les coteaux enchanteurs