Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/123

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Mouron, mon cher Mouron, vivait avec sa mère et sa sœur dans un joli petit appartement de la rue de Seine, où les meubles étaient de peluche bleue et rose. Son père, Philippe Mouron, professeur de chimie à l’École normale, était mort jeune au moment où il faisait d’importantes découvertes. Jacques Mouron aurait voulu aussi faire des sciences.

— Il y en a, me dit-il, qui sont très jolies, je t’assure. Mais je ne crois pas que je réussirai à les apprendre. Ma santé n’est pas assez forte. J’ai été très malade, encore, cette année.

— Ce n’est pas grave, lui dis-je.

— Non, ce n’est pas grave, répondit-il avec un sourire de ses lèvres blanches. Ma sœur aussi a été malade. Elle a manqué trois mois de cours. Elle a manqué en grammaire les participes, et en histoire la féodalité. Crois-tu ?

— Moi, dis-je, j’aime l’histoire surtout quand elle est extraordinaire.

— Moi aussi, je l’aime. Mais je me sens perdu dans les empires et les monarchies. C’est peut-être parce que je suis tout petit.

— Tu n’es pas tout petit.