Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/15

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qui je dois tout, à qui je voudrais devoir davantage, car ce que nous savons de raisonnable sur l’univers et l’homme nous vient d’eux. Mais ce n’est pas la question.

En m’entendant énoncer cette maxime, qu’on ne donne pas assez, Fontanet, qui était très petit pour son âge, leva obliquement vers moi sa fine tête de renard et m’interrogea des yeux. Fontanet était toujours prêt à examiner toutes les idées pour en tirer profit. L’avantage de celle-ci ne lui apparaissait pas tout d’abord : il attendait des éclaircissements.

Je repris avec une gravité plus marquée :

— On ne donne pas assez !

Et je m’expliquai :

— On ne fait pas suffisamment l’aumône. On a tort ; il faudrait que chacun donnât son superflu aux pauvres.

— C’est possible, répondit Fontanet après quelques instants de réflexion.

Encouragé par cette seule parole, je proposai à mon cher condisciple de former tous les deux une association charitable. Je lui connaissais un caractère enteprenant, un esprit inventif, et j’étais sûr qu’à nous deux, nous ferions de grandes choses.