Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/156

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ou graves. Mais je fus emporté tout à coup hors de cette compagnie d’élite par un sentiment auquel je m’abandonnai avec une ardeur singulière. Une circonstance peu importante le fit éclater. Mon père, observant d’aventure mon impuissance à résoudre des problèmes de géométrie qui n’étaient nullement insolubles, attribua cette incapacité à mon ignorance des éléments d’une science dans laquelle les vérités se déduisent les unes des autres. Pour y remédier, il demanda à M. Mésange de me donner des répétitions de géométrie. M. Mésange y consentit et me prit à part deux fois la semaine, de quatre heures et demie à cinq heures et demie, avec mon camarade Tristan Desrais, que je connaissais fort bien, puisqu’il suivait depuis six mois les mêmes classes que moi, mais avec qui j’avais entretenu aussi peu de relations que possible. À peine avions-nous échangé quelques paroles à la classe de dessin où il se montrait fort dissipé, tandis que je copiais attentivement la tête d’Hersilie. Desrais, de même taille et de même âge que moi, paraissait un peu plus jeune. Je n’observais guère les traits de son visage, mais ses lèvres, rouges comme si elles eussent été fardées, attiraient