Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/181

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confrères me répondirent tous d’une seule voix qu’il n’était pas possible de mettre hors de notre académie celui qui la logeait. Je prophétisai que de notre installation dans la rue Saint-Dominique viendrait la ruine d’une si belle institution. Et cette prophétie m’était inspirée par une connaissance profonde du caractère de mon ami d’un jour. On dressa la liste des membres de l’académie et l’on inscrivit en tête le nom de Tristan Desrais.

Noufflard et Fontanet furent désignés pour acheter, dès le premier jour de congé, un buste de Blaise Pascal, destiné à orner notre salle des séances.

Mouron fut nommé président. On décida que je prononcerais le discours d’ouverture. Ce choix flatteur caressa doucement la vanité de mon cœur et me fit trouver à la gloire des délices qu’elle ne devait plus me faire goûter depuis. Je ne touchais plus la terre. Je me mis dès le soir même à composer ma harangue, sur un ton sérieux, mais plein d’agrément. J’y mis des beautés ; j’en remis les jours suivants. J’en devais ajouter jusqu’à la dernière minute. Jamais morceau n’en fut à ce point chargé ; je n’y laissai rien à l’abandon, rien à la facilité,