Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/196

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son gros confrère, qu’il désignait sans le nommer et avec lequel il échangeait décemment des regards venimeux. Les trois juges se haïssaient entre eux et n’avaient pas d’autre haine. Contents d’avoir fait trembler le candidat, ils le reçurent et tout s’accomplit sans pleurs ni grincements de dents.

Pour finir la fête, nous allâmes voir un examen à la Faculté de Médecine. C’était tout autre chose. Le candidat, déjà gros et chauve, ne paraissait plus très jeune. Il promenait avec hésitation son scalpel sur un cadavre étendu devant lui, qui ricanait, le cadavre d’un petit vieux. Un professeur à moustaches de Tartare, étendu de son long dans son fauteuil, demandait à l’étudiant :

— Eh bien, cette glande ? Est-ce pour aujourd’hui ou pour demain ?

Il ne reçut pas de réponse. Ses deux assesseurs écrivaient des lettres ou corrigeaient des épreuves. L’un d’eux était coiffé d’une toque d’une forme inusitée et d’une grandeur extraordinaire, garnie de pelleterie, et ressemblant plus à un chapska qu’à une toque. Fontanet m’apprit que c’était le modèle d’une coiffure dessinée en 1792, par Louis David, que l’on