Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/202

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alors dans la société d’une faveur qu’ils n’ont pas entièrement conservée. Ils étaient moins nombreux qu’ils ne sont aujourd’hui et gagnaient plus d’argent. On voyait dans les comédies de l’Odéon le jeune ingénieur, au bal, conduire le cotillon, troubler le cœur des jeunes filles et faire un beau mariage. Hélas ! La bifurcation, en me dirigeant sur les lettres, m’avait fermé les carrières scientifiques. Adieu, chaussées, ponts, mines et beau mariage.

Il fallait chercher une autre voie.

La carrière diplomatique m’eût agréé pour la considération dont elle est entourée ; l’espoir de devenir ambassadeur et de représenter mon pays dans les cours étrangères m’eût souri. Je caressai ces ambitions, mais uniquement pour me rire de mon pauvre moi ; car il faut vous dire que, tout railleur que j’ai été à tous les âges de ma vie, je ne me suis moqué de personne aussi cruellement que de moi-même, ni avec autant de délectation. Toutefois, pour me conformer au précepte que toute bonne plaisanterie doit être courte, je me rabattis sur les consulats et me décidai pour Naples où je louai une villa recouverte de vigne, au bord de la mer bleue.