Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le lendemain, je pénétrai dans le petit rez-chaussée de la rue d’Alger où Duployer donnait des leçons. Il m’interrogea sur mes parents, fut à la fois très familier et assez froid et me dit qu’il me ferait travailler avec le fils d’un grand fonctionnaire de l’Empire, le jeune Fabio Falcone qui préparait aussi l’examen d’admission au ministère des Finances. Au demeurant, on ne faisait que cela chez Duployer, qui avait beaucoup plus l’air de diriger un cabinet d’affaires qu’une boîte à examens. Je pris des leçons pendant une quinzaine de jours, au long desquels Duployer ne me donna jamais le moindre espoir de succès, tandis qu’il se montrait toujours entièrement assuré de la réussite de Falcone qui ne calculait pas mieux que moi, rédigeait beaucoup plus mal et écrivait comme un chat. Après réflexion, je compris sur quoi Duployer fondait ses pressentiments, je lui sus gré de sa franchise et cessai de prendre des leçons inutiles. Je sus plus tard que j’avais pris le bon parti en ne me présentant pas à un examen destiné uniquement à éliminer sans phrases les candidats qui n’étaient pas suffisamment recommandés.