Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chand, ou plutôt commis, n’ayant ni fonds de commerce, ni argent pour en acheter, je recherchai quelle sorte de commerce j’embrasserais. Et c’est là que commença la difficulté. Entre tant de négoces, dont je ne connaissais ni les avantages ni les inconvénients, comment choisir ? L’annuaire en main, je me demandai si je serais architecte-paysagiste, armurier, bijoutier, brasseur, charbonnier, chaudronnier, cimentier, cordonnier, marbrier, mécanicien, menuisier, opticien, pharmacien, et je ne pus me donner de réponse. Ce qui diminuait mon embarras, je le dis entre nous, c’est que je pressentais que je n’étais pas plus capable de vendre des armes, des bijoux ou de la bière, que du charbon, des chaudrons, du ciment, des souliers ou des lunettes. Cette pensée m’ôtait l’embarras du choix, mais elle me désespérait.

Je fus tiré de peine au moment où je m’y attendais le moins. Ce fut un samedi, à quatre heures vingt minutes, que l’événement arriva. À cette date, me promenant sur le quai de la Conférence qui était lors plus rustique, plus désert et plus beau qu’aujourd’hui, je me croisai avec M. Louis de Ronchaud qui venait des