Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/241

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où elle semble les croire aussi vraies que les autres.

Pendant une épidémie de choléra, qui enleva quelques personnes de notre connaissance, un certain jour, ma mère, mon père, M. Danquin en vinrent à parler de la mort. Les propos de mes parents furent orthodoxes : c’est tout ce que j’en puis dire. Ceux de mon parrain marquaient l’espoir d’être reçu dans l’autre monde par le Dieu des bonnes gens, que lui avait enseigné Béranger et en qui il avait une foi amicale et confiante.

M. Dubois, qui était présent, se taisait et paraissait indifférent à la conversation. Mais, quand elle fut épuisée, il s’approcha de ma mère et dit :

— Écoutez sur le chapitre de la mort le plus profond des poètes latins, dont je ne puis vous rendre malheureusement le ton et l’harmonie. Écoutez : « Étions-nous sensibles aux troubles de Rome, dans les siècles qui ont précédé notre naissance, lorsque l’Afrique entière vint heurter l’Empire, lorsque les airs ébranlés retentirent au loin du bruit de la guerre ? Eh bien, quand nous cesserons de vivre, nous serons de même à l’abri des événements. »