Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/245

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» J’ai beaucoup réfléchi à cette parole et au ton dont elle avait été prononcée. Je ne crois pas qu’elle trahisse chez Napoléon un élan d’humanité, mais il voulait discipliner les sentiments et les soumettre au régime politique.

En 1855, la guerre d’Italie mettait aux prises la France et l’Autriche. Ces batailles, qui ensanglantaient la Lombardie, alarmaient ma mère. Dès mon enfance, elle s’épouvantait des guerres qui pouvaient lui prendre son fils.

Voici les paroles que lui adressa un jour de cette année M. Dubois et que je mets par écrit, telles que je les ai retenues.

— Dans ma jeunesse, un homme, Napoléon, décidait seul de la paix et de la guerre. Pour le malheur de l’Europe, il préférait la guerre à l’administration, dans laquelle cependant il déployait un grand talent. Mais la guerre lui donnait la gloire. Avant lui, de tous temps, les rois l’ont aimée. Comme eux, les hommes de la révolution s’y sont adonnés furieusement. Je crains beaucoup que les financiers et les grands industriels qui deviennent peu à peu les maîtres de l’Europe ne se montrent tout aussi belliqueux que les rois