Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

armoires pleines de fossiles, ossements de reptiles et de poissons, empreintes de crustacés, de zoophytes, d’insectes et de plantes, coprolithes, mâchoires de grands reptiles, défenses de mammouths. Mon parrain s’occupait de paléontologie avec une ardeur qu’on n’aurait pas soupçonnée dans ce petit homme tout rond, jovial, qui portait de si beaux gilets et faisait danser si allégrement ses breloques sur son ventre.

Un soir, tandis que la jeunesse se concertait pour la contredanse, il montra fièrement à mademoiselle Gobelin et à moi, qui étions les deux fortes têtes de la société, le moulage d’une mâchoire humaine que son ami Boucher de Perthes venait de lui envoyer d’Abbeville. En regardant ce monument d’un passé lointain, ses yeux pétillaient derrière ses lunettes d’or. Et cet homme tranquille éclata tout à coup :

— Ils disent : « L’homme fossile n’existe pas. » On leur montre les pointes de flèches qu’il a taillées dans le silex, les plaques d’ivoire et de schiste sur lesquelles il a tracé des figures d’animaux, et, sans rien entendre, sans rien voir, ils répètent : « L’homme fossile n’existe pas. » Si ! messieurs, il existe, et le voilà !