Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/328

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de la paix romaine enveloppait le monde. Mais Rome périt. Le monde est, depuis sa chute, livré aux barbares, qui, même encore aujourd’hui, loin de songer à reprendre l’œuvre de César et d’Auguste, en condamnent l’idée, de peur d’y trouver un obstacle à contenter leur rage de meurtre et de pillage. Et nul homme, dans tous ces peuples ennemis, nul homme ne pense à l’institution qui garantirait la tranquillité universelle, à l’établissement de puissantes amphictyonies, qui dominant sur les États, les contiendraient dans le droit ; et s’il se trouvait un citoyen pour appeler de ses vœux cette nouveauté qui serait le salut de l’humanité, il serait honni par les honnêtes gens de sa patrie et de toutes les patries pour vouloir ôter aux patriotes leur privilège le plus cher, celui du meurtre pour la proie. Et cette unanimité des peuples dans la haine et l’envie montre assez vers quelle sorte de progrès ils se précipitent.

» En science, nous dépassons de beaucoup les anciens, je ne fais pas de difficulté de le reconnaître. Les sciences se constituent par l’apport des générations. Il fallut plus de génie pour les constituer, comme ont fait les Grecs, que pour les mener au degré d’étonnante per-