Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/330

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M. Dubois, ayant quitté ce sujet, tira de sa poche un petit volume in-18, qui fait partie de la jolie collection des poètes grecs, publiée au commencement du XIXe siècle par Boissonade. C’était un des tomes d’Euripide. Il l’ouvrit à l’endroit d’Hippolyte et lut les paroles de la nourrice. Il les lut en français, soit par égard pour ma mère qui était présente, soit plutôt qu’il eût en grande défiance la science grecque telle que l’enseignait l’Université du second Empire.

« La vie des hommes est tout entière douloureuse, et il n’est pas de trêve à leurs souffrances. Mais s’il est quelque chose de plus précieux que cette vie, une nuée obscure l’enveloppe et la cache à nos yeux, et nous nous sommes follement épris de cette vie qui brille sur la terre, parce que nous n’en connaissons pas d’autre, que nous ne savons pas ce qui se passe aux Enfers, et que nous sommes abusés par des fables. »

M. Dubois relut ce passage :

« Nous nous sommes follement épris de cette vie, qui brille sur la terre, parce que nous n’en connaissons pas d’autre, que nous ne savons pas ce qui se passe aux Enfers, et que nous sommes abusés par des fables. »

« Euripide, dit-il ensuite, qui était un profond philosophe, a prêté, et peut-être un peu trop libéralement, sa sagesse à la vieille nour-