Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/340

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Une circonstance particulière me fit assister aux répétitions du Théâtre des Muses. J’ai dit que Victor Pellerin était un excellent directeur de théâtre. Il choisissait fort bien ses pièces. Comme chaque ouvrage ne devait être joué que trois fois, il n’était pas tenu de suivre le goût du gros public ; il se souciait seulement de plaire aux connaisseurs ; et il y réussissait assez bien. Quand je le connus, il avait déjà monté, entre autres ouvrages qu’on n’avait pas vus ailleurs, l’Alchimiste de Ben Jonson, le premier Faust de Gœthe, les Sincères de Marivaux. Puis il eut l’idée de jouer Lysistrata, ce qui était alors une idée toute neuve. Songez que je vous parle de temps très anciens. Comme il me savait passionné pour l’art et la littérature de la Grèce antique, il pensa que je pourrais l’aider, par mes conseils, à transporter Aristophane à Paris, et m’invita aux représentations qui avaient lieu le soir. J’y fus assidu, non que je m’y crusse le moins du monde utile, mais parce que je m’y plaisais. Gœthe, amoureux de théâtre, disait qu’une pièce médiocre, faiblement jouée, fait encore un spectacle merveilleux. Je pensais comme cet homme divin. Et mon plaisir commençait aux répétitions, où l’on voit une